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Mes petites amoureuses, poème d’A. Rimbaud

 Mes petites amoureuses

Un hydrolat lacrymal lave
     Les cieux vert-chou :
Sous l’arbre tendronnier qui bave,
     Vos caoutchoucs

Blancs de lunes particulières
     Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères
     Mes laiderons !

Nous nous aimions à cette époque,
     Bleu laideron !
On mangeait des œufs à la coque
     Et du mouron !

Un soir, tu me sacras poète
     Blond laideron :
Descends ici, que je te fouette
     En mon giron ;

J’ai dégueulé ta bandoline,
     Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
     Au fil du front.

Pouah ! mes salives desséchées,
     Roux laideron
Infectent encor les tranchées
     De ton sein rond !

Ô mes petites amoureuses,
     Que je vous hais !
Plaquez de fouffes douloureuses
     Vos tétons laids !

Piétinez mes vieilles terrines
     De sentiments ;
— Hop donc ! Soyez-moi ballerines
     Pour un moment !…

Vos omoplates se déboîtent,
     Ô mes amours !
Une étoile à vos reins qui boitent,
     Tournez vos tours !

Et c’est pourtant pour ces éclanches
     Que j’ai rimé !
Je voudrais vous casser les hanches
     D’avoir aimé !

Fade amas d’étoiles ratées,
     Comblez les coins !
— Vous crèverez en Dieu, bâtées
     D’ignobles soins !

Sous les lunes particulières
     Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
     Mes laiderons !

A.R.